La date de 1975 remise en cause dans le cadre du texte sur les rapatriés d'Indochine
L'Assemblée Nationale va examiner mardi 3 juin 2025 en séance publique la proposition de loi du député socialiste Olivier FAURE portant reconnaissance de la Nation envers les rapatriés d'Indochine et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français déposée sous le n° 949 le jeudi 13 février 2025.

Le contenu de cette proposition de loi est fortement calqué sur la teneur de la loi du 23 février 2022 relative à la reconnaissance et réparation du drame des harkis.
Le principal point de débat autour du texte intéressant les rapatriés d'Indochine concerne la période à prendre en considération pour arrêter le montant de l'indemnisation. Pour le député et rapporteur de la proposition de loi Olivier FAURE, la période d'indemnisation devrait être de 1954 à 2014. Dans le cadre de l'examen du texte en commission de la Défense, le même député FAURE a proposé de se caler sur la même date butoir que celle du texte sur les harkis, à savoir que la fin de la politique des camps envers les indochinois devrait être également le 31 décembre 1975.
Pour la député écologiste de la Côte d'Or Cathérine HERVIEU, la bonne date à prendre en considération à partir de 1954 pour fixer la période d'indemnisation serait le 1er janvier 1981. Pour la députée écologiste, son amendement "vise à modifier la date de fin de prise en compte des périodes de séjour au sein du centre d'accueil des rapatriés d'Indochine pour la détermination des réparations des préjudices résultant de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans la structure de Sainte-Livrade-sur-Lot. La période prise en considération va du 22 juillet 1954 au 31 décembre 1975 pour l'ensemble des structures d'accueil, à l'exception de Sainte-Livrade-sur-Lot pour laquelle la borne finale serait le 1er janvier 1981, date du passage de la gestion étatique à la gestion municipale. Cette distinction entre Sainte-Livrade-sur-Lot et les autres structures d'accueil s'explique par le fait que la Cité d'accueil de Sainte-Livrade-sur-Lot a continué d'exister après le 31 décembre 1975 dans les mêmes conditions que celles qui prévalaient avant le 31 décembre 1975 et cela jusqu'à la cession par l'Etat de la gestion de la Cité d'accueil à la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot".
Afin d'alerter l'Assemblée Nationale sur l'erreur de date commise par le législateur dans le cadre de la loi du 23 février 2022 sur le drame des harkis, la députée Zahia HAMDANE et le groupe des Insoumis ont déposé un amendement pour corriger cette erreur date. L'exposé des motifs de cet amendement est très éclairant : " Par cet amendement, le groupe LFI-NFP entend modifier la date de fin de prise en compte des périodes de séjour au sein des centres d'accueil des rapatriés d'Indochine pour la détermination des réparations des préjudices résultant de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans ces structures.
Lors de l'examen en commission, M. le rapporteur a modifié la date initiale de 2014, pour la remplacer par celle de 1975. Cette décision se justifiait par la volonté du rapporteur de permettre la meilleure fluidité possible pour la mise en œuvre des réparations et assurer une homogénéité des dispositifs s'adressant aux rapatriés d'Indochine et aux Harkis. En effet, la date de 1975 permet d'aligner la date de fin de prise en compte sur celle applicable dans le cadre du dispositif prévu par la loi du 23 février 2022 pour les Harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local.
En revanche, cette date du 31 décembre 1975 présente dans la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 est une erreur commise par le législateur à l'époque de l'adoption de la loi. En effet, les conditions indignes d'accueil et de vie des familles de harkis en France n'ont pas cessé le 31 décembre 1975 mais bien plus tard.
Durant l'été 1991, le grand mouvement de révolte des enfants de harkis dénonçait les conditions indignes d'accueil et de vie des familles dans le sud et le Nord de la France. De la cité des Oliviers à Narbonne dans l'Aude, en passant par Amiens dans la Somme, Bias, dans le Lot-et-Garonne, Fuveau et Jouques dans les Bouches-du-Rhône, Saint-Maurice l'Ardoise et Saint-Laurent-des-Arbres dans le Gard, les familles de harkis dénonçaient par des manifestations, des blocages de péages, des grèves de la faim, leur situation en France et exigeaient notamment la fin des conditions indignes de vie dans les camps et les hameaux de forestage.
Face à cette détresse exprimée en 1991 par les enfants de harkis sur leurs conditions de vie dans les camps, cités urbaines et hameaux de forestage, la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie a fini par reconnaître les sacrifices consentis par les familles de harkis et améliorer leurs conditions de vie.
Si le législateur entend aligner cette loi avec celle de février 2022 sur les rapatriés d'Algérie, la date du 31 décembre 1994 doit impérativement être retenue, d'autant plus que l'on sait que ce n'est qu'en 2014 que les dernières familles de rapatriés d'Indochine furent relogées, donc bien plus tard que 1975".
Tout le monde sait que la politique des camps à l'égard des familles de harkis n'a pas cessé en 1975, mais bien plus tard. Pour faire cesser ce débat, le Gouvernement a déposé un amendement pour fixer la période d'indemnisation des rapatriés d'Indochine de 1954 à 1966.
Les familles de harkis contestent la date de 1975 retenue par la loi du 23 février 2022 pour acter la fin des camps de harkis. En retenant la date de 1966 pour les Indochinois, le Gouvernement poursuit son action visant à instaurer une réparation "modique", pour reprendre le qualificatif de la CEDH, aussi bien pour les harkis que pour les Indochinois.

