Conference de Marc Del Grande, secretaire general de la CNIH
Mercredi 25 juin, il s'est tenu à l'École militaire de Paris une importante conférence sur l'indemnisation et la transmission de la mémoire des Harkis animée par Marc Del Grande, préfet et secrétaire général de la Commission nationale indépendante Harkis (CNIH).

Le Collectif Citoyenneté Française a activement participé à cette rencontre en posant des questions essentielles concernant la citoyenneté, la reconnaissance historique et la justice réparatrice. En particulier, le collectif a rappelé que l'année 1975, marquant la fin des dispositifs d'indemnisation des préjudices, ne saurait clore l'histoire, alors même que certains camps ont perduré jusqu'aux années 1990. Cette dissonance entre les faits et les politiques de réparation interroge la portée réelle des mesures prises jusqu'ici.Ont également été évoqués :
* L'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sur les droits des personnes concernées,
* Et la non-reconnaissance persistante de certains camps par la CNIH, malgré des témoignages et des archives disponibles.Les échanges ont été francs, respectueux et empreints de civisme, malgré quelques désaccords. Ce climat d'écoute démontre l'importance de ces espaces de dialogue pour faire avancer la mémoire collective et les engagements de l'État envers les anciens harkis et leurs familles.
Le Collectif Citoyenneté Française appelle la CNIH à poursuivre cette dynamique en multipliant ce type de rencontres sur le territoire, afin d'apporter des réponses concrètes et légitimes aux attentes des personnes concernées et de construire un véritable lien entre les institutions et les citoyens français — anciens combattants, harkis et leurs descendants.
Le Collectif Citoyenneté Française pour les harkis
Le regard de Mireille BOUGLOUF
A l'attention de Monsieur Marc Del Grande, Préfet, Secrétaire général de la CNIH
J'ai suivi avec beaucoup d'attention votre conférence du mercredi 25 juin 2025, consacrée à l'indemnisation et à la transmission de la mémoire des Harkis. J'avais envisagé d'intervenir, mais me suis ravisée, déstabilisée par l'orientation de la conférence. Son intitulé, pourtant prometteur, laissait entrevoir des avancées concrètes, mais les échanges ont, à mes yeux, manqué de clarté et de profondeur.Mes attentes portaient notamment sur :
Des mesures concrètes pour améliorer le traitement des demandes de réparation, en particulier celles émanant de la première génération de Harkis et 'd'autres rapatriés'.
Vous avez indiqué que ces dossiers avaient tous été traités et clôturés. Cette affirmation soulève des interrogations, tant les requérants continuent de signaler des situations non résolues et urgentes alors même que vos services avaient déjà annoncé, en mai 2024, que l'ensemble de ces dossiers avaient été traités;Un bilan transparent du dispositif de réparation, incluant notamment les critères de refus, alors même que certaines présences dans les camps sont dûment attestées. Une reconnaissance explicite des militaires d'active ayant été internés dans les camps, toujours passés sous silence alors qu'ils partagent la même trajectoire d'engagement, d'exil et d'humiliation.
Par ailleurs, le déroulement de la conférence n'a pas permis une participation équitable : le manque de modération dans la gestion des prises de parole a abouti à une forme de cacophonie, peu propice au dialogue.Je retiens également plusieurs éléments significatifs : L'audience en présentiel visée, essentiellement composée de représentants militaires, ne semblait pas inclure de manière significative les associations de Harkis ni leurs représentants directs.
Bien que les volets administratifs du dispositif aient été longuement repris, ils demeurent largement connus des descendants de Harkis et des 'autres rapatriés', qui en suivent l'évolution avec attention depuis trois ans. Cela laisse penser que leur participation en visioconférence n'était pas particulièrement sollicitée ;La dimension mémorielle m'a semblé survolée, alors qu'elle est essentielle pour comprendre l'abandon subi par les Harkis. Vous les avez certes qualifiés de "combattants", ce qui est juste et symboliquement fort. Mais vous n'avez pas rappelé les raisons multiples – souvent tragiques – de leur engagement. Comme le souligne l'historien Abderrahmane Moumen, être Harki ne signifiait pas nécessairement être opposé à l'indépendance de l'Algérie, mais résultait souvent de traumatismes familiaux ou d'enrôlements forcés.
Cette complexité méritait d'être dite. De même, lorsqu'un intervenant dans la salle a exhorté l'Algérie à demander pardon aux Harkis, vous êtes resté silencieux. Sans être historien, il vous appartenait, en tant que représentant de l'État, de rappeler que la responsabilité première du drame des Harkis incombe à la France, qui les a désarmés et abandonnés, provoquant ce que certains historiens qualifient de "Saint-Barthélemy à l'algérienne". La période allant des Accords d'Évian (22 mars 1962) à la loi d'amnistie du 16 juillet 1974 a scellé l'effacement institutionnel des crimes coloniaux et post-coloniaux. En refusant d'en reconnaître la portée, on perpétue l'injustice.Un autre point essentiel : l'absence totale de mention des militaires d'active qui, pourtant, ont connu le même sort que les Harkis. Eux aussi ont été relégués dans des camps, eux aussi ont combattu pour la France en 1939-45, en Indochine, en Algérie. Pourquoi sont-ils systématiquement omis de la mémoire nationale ? Malgré mes nombreuses interpellations, le silence persiste.Concernant la question de la citoyenneté, là encore, une clarification aurait été nécessaire.
En 2025, certains descendants de Harkis sont encore désignés comme "Français de deuxième ou troisième génération", comme si le statut de droit local ou le Code de l'indigénat s'appliquait encore. Ce que j'attendais – et espère encore – de votre mission, c'est davantage de transparence, de rigueur historique, de reconnaissance pleine et entière, et surtout des propositions fortes pour réformer un dispositif de réparation qui reste partiel, lent et souvent injuste.
J'espère que vous aurez à cœur d'organiser une nouvelle réunion, cette fois en présence des descendants de Harkis et des 'autres rapatriés', afin de débattre collectivement de pistes d'amélioration. Ces commissions existent parce que nous existons. Il serait inconcevable que nous en soyons tenus à l'écart. Votre indépendance, si elle est réelle, vous honore. Votre mission, si elle est menée avec probité, doit contribuer à la grandeur de la République, fidèle à ses principes – liberté, égalité, fraternité – et non à l'oubli de ses zones d'ombre coloniales.Je vous remercie pour le temps consacré à la lecture de ce courriel, et reste à votre disposition pour toute suite que vous jugerez utile.
Avec mes salutations respectueuses,
Mireille Bouglouf
Citoyenne française, descendante de militaire d'active, fait Chevalier dans l'Ordre National du Mérite